Les jeux de mon enfance: Pourquoi j'aime le Monopoly

Les jeux de mon enfance: Pourquoi j'aime le Monopoly

  • Jo

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Publié le lun. 10 août 2020

Quelle meilleure façon de débuter ma contribution aux articles de Wanna Play que par une confidence? Comme ça, de but en blanc, sans détour… je vous l’avoue: j’aime le Monopoly!

Actif dans le monde du jeu depuis une dizaine d’années, il m’arrive souvent - au détour d’un festival, lors d’une soirée jeux ou autre - d’entendre des remarques acerbes sur cet ancêtre ludique. Sourire en coin, je me vois acquiescer d’un air entendu. Difficile en effet de défendre ce jeu que l’on dit trop long, aux mécaniques dépassées et qui semblent tellement mieux exploitées depuis. Et pourtant…

Petite remise à jour pour débuter. Je vous épargne l’explication des règles, mais retenons simplement que le jeu est imaginé en 1903 par Elizabeth Magie et qu’il s’appelle alors : “The Landlord’s Game”. Récupéré et légèrement modifié par Charles Darrow en 1931, le Monopoly sera finalement racheté par les frères Parker en 1935. Pour la petite histoire, et pour le panache, nous noterons également qu’il a aidé à transmettre des plans d’évasion aux prisonniers des camps lors de la Deuxième Guerre Mondiale. Rien que ça!

En 85 ans de vie, il s’est écoulé plus de 275 millions de copies, ce qui le place systématiquement dans les top des meilleures ventes de jeux. Vu l’image négative qu’il s’en dégage parfois, je me demande souvent ce qui explique ces chiffres mirobolants. Une branche marketing réactive, qui décline tout sujet un tant soit peu à la mode pour s’assurer sans cesse un nouveau public? Oui, bien entendu. Une notoriété qui le place facilement comme cadeau générique sous un sapin ou à l’anniversaire du petit cousin inconnu? Il doit y avoir de ça. Mais j’ai envie de croire que la raison est plus noble et que le Monopoly possède une place particulière dans le cœur des joueurs.

J’ai commencé à jouer très jeune. J’aimerais vous dresser une liste de tous les jeux qui m’ont marqué et m’ont poussé à travailler dans une ludothèque aujourd’hui… je le ferai sûrement au fil de mes prochains articles. Mais à la première place de ce top, trônerait fièrement le Monopoly. Combien d’heures passées autour d’une table, d’étés interminables dans mon jardin de campagne, à convoiter la Rue de la Paix? Le temps s’étirait, entre les grenadines et le marchand de glaces… Difficile à imaginer, il m’est même arrivé, à la fin d’une partie, d’enchaîner avec la revanche! Le Monopoly, c’est avant tout ma madeleine. Une madeleine au goût du temps perdu, forcément, qui avait beaucoup moins de valeur à l’époque. Ce temps qui nous manque peut-être aujourd’hui pour savourer une simple partie de Monopoly.

Une simple partie de Monopoly. J’insiste sur la simplicité, elle est capitale et explique aussi le succès de ce jeu. Les règles de base sont enfantines et permettent à quasiment n’importe qui d’y jouer et d’avoir la chance de gagner. Cette dernière, centrale dans le gameplay, assure une tension qui ne cesse de croître au fur et à mesure de la partie… et cette joie quand les dés nous envoient sur la “Caisse de communauté”, petit moment de répit entre les hôtels de l’Avenue Foch et le Boulevard des Capucines.

Ces noms éveillent des souvenirs et me rappellent un nouvel aspect primordial de mes parties de Monopoly: l’imagination. Je me souviens être totalement immergé dans la partie, étant tour à tour un riche entrepreneur n’hésitant pas à laisser tomber les 250 derniers francs - je vous l’ai dit, j’ai commencé jeune - du loyer de mon voisin (“Sinon, tu peux aussi garder tes sous et me donner la Compagnie d’Electricité… t’as bien vu, on ne tombe jamais dessus”) et un marginal à l’affût de la moindre opportunité de se refaire une santé financière (“Allez, encore un petit double et à moi la prison, ça me fera des économies et avec un peu de chance, en sortant, je pourrai mettre une maison sur Belleville et là on va voir de quel bois je me chauffe”). Et là encore, l’enfance était un facteur clé. Me mettre aujourd’hui dans la peau d’un petit gars qui se demande comment il va payer son loyer me fait beaucoup moins rire qu’à l’époque… ça me semble moins ludique, allez savoir pourquoi!

Je pourrais encore écrire des heures sur mes souvenirs Monopolesques, sur l’équilibre du jeu, sur ce qu’il m’a appris des négociations et de la nature humaine en position dominante, sur mes meilleures techniques de triche, et j’en passe. Mais je pense avoir mis le doigt sur ce qui fait pour moi l’essence de ce Monopoly. Le mélange entre des règles simple et un rapport très fort à l’imaginaire et au temps qui en font un jeu typique de l’enfance. Aujourd’hui, à la ludothèque dans laquelle je travaille, le Monopoly basique reste en tête des jeux les plus empruntés. Et il l’est majoritairement par des enfants / jeunes adolescents de 10 à 15 ans.

Il est temps pour moi d’effacer ce sourire narquois et de cesser d’être ingrat. Désormais, même si je n’y joue plus, je défendrai le Monopoly pour ce qu’il est : un reliquat de ma jeunesse, imparfait et précieux.